Énergie photovoltaïque
OUI aux énergies renouvelables, MAIS à condition de ne pas porter atteinte aux espaces naturels
Article mis en ligne le 1er février 2012
dernière modification le 2 mars 2012

Si, dans la perspective de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique, l’énergie solaire photovoltaïque constitue une alternative réelle aux énergies fossiles et fissiles, son développement ne doit pas se faire au détriment des espaces naturels et agricoles et de la biodiversité.

L’énergie solaire photovoltaïque produit une électricité renouvelable, locale, exploitable partout dans le monde. La France dispose du cinquième gisement solaire européen. C’est pourquoi il est essentiel de mobiliser cette filière afin de remplir l’objectif d’au moins 23% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale française d’ici à 2020.

Son développement pose néanmoins un certain nombre de problèmes environnementaux qu’il faut prendre en considération en amont, c’est-à-dire avant que les contradictions entre son développement et les impératifs écologiques ne rendent plus difficile leur résolution.

Les parcs photovoltaïques au sol en question

Les principales inquiétudes se portent sur les parcs photovoltaïques au sol qui, parallèlement aux systèmes intégrés au bâti, connaissent un essor important sur notre territoire ces dernières années.

Les parcs photovoltaïques au sol permettent de réaliser des économies d’échelle significatives en comparaison des panneaux posés en toiture, les surfaces des installations réalisées au sol étant généralement plus importantes et les modalités d’installation et d’exploitation moins contraignantes. Cet avantage est déterminant pour permettre à la filière photovoltaïque, la plus coûteuse parmi celles aujourd’hui disponibles, d’accélérer la baisse de ses coûts de production et d’atteindre à moyen terme la « parité avec le réseau ».

Mais, s’ils ne sont pas conçus ou gérés correctement, les parcs photovoltaïques au sol peuvent poser des problèmes sur l’environnement et sur l’économie locale : concurrence d’usage des sols avec les terres agricoles, impact sur la biodiversité dû à la destruction de milieux naturels et au cloisonnement des parcs qui conduit à une rupture de la continuité écologique, artificialisation des sols et impacts sur le paysage.

Exemples aquitains

Les exemples d’installations dans la région Aquitaine montrent que ces impacts environnementaux sont trop souvent ignorés. Nous assistons aujourd’hui à un déferlement de projets de centrales photovoltaïques au sol, particulièrement en Gironde ou dans les Landes, où les espaces boisés et plats attirent la convoitise
des investisseurs, dans une logique moins écologique que financière.

Ainsi, dans les Landes, la centrale photovoltaïque de Gabardan va entraîner à terme le déboisement de plus de 300 hectares de forêt. Les deux projets de Cestas en Gironde impacteront 320 ha au total, alors même que 800 ha ont été rasés pour construire des entreprises logistiques à proximité. La centrale de 60 ha portée par EDF-Énergies nouvelles concerne même un espace boisé à conserver qui a dû être déclassé.

Faut-il sacrifier la forêt pour produire de l’électricité solaire ? Le bilan carbone de ces projets est très relatif par rapport au rôle joué par la forêt. On sait que, gérée et exploitée durablement, elle contribue de manière significative à la régulation de l’effet de serre. Il paraît pour le moins contradictoire, de vouloir développer une énergie renouvelable (solaire photovoltaïque) au détriment d’une autre (bois énergie).

Il est à noter que ces projets s’inscrivent dans un contexte de crise des milieux forestiers. La tempête Klaus a fortement fragilisé la forêt aquitaine, particulièrement dans les Landes. Or, la rémunération du foncier pour l’implantation de parcs photovoltaïques est beaucoup plus importante que le revenu forestier ou agricole. On peut comprendre que la tentation soit grande de céder à la pression des promoteurs du photovoltaïque « au sol », au lieu de restaurer les puits de carbone forestiers, au rendement ainsi ébranlé et rendu incertain par les aléas climatiques.

À la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) d’Aquitaine, on indique que la totalité des projets en cours nécessite le déboisement ou défrichage de 10.000 ha de forêt. « Théoriquement, la demande de compensation est de 1 pour 1. Cela implique un reboisement hors forêt, qui va concurrencer l’agriculture. » À cela s’ajoutent les limites intrinsèques à la compensation en surface : les écosystèmes détruits ne peuvent être reconstitués à caractéristique ou intérêt écologique équivalent ailleurs, par des plantations.

Garantir la cohérence énergétique et environnementale des projets

Face à la prolifération de projets de parcs photovoltaïques au sol dans notre région, il apparaît essentiel d’encadrer leur développement et de promouvoir les meilleures pratiques [1], afin de concilier objectif de développement des énergies renouvelables et respect de l’environnement local, naturel et humain.

Rappelons que le développement du photovoltaïque doit se faire en priorité sur le bâti, intégré aux toitures des bâtiments agricoles, industriels, commerciaux ou publics ou sur des ombrières de parking. Les exigences de construction de ces bâtiments doivent évoluer afin de prévoir l’intégration de panneaux photovoltaïques à tout nouveau projet. On estime qu’actuellement seul un bâtiment sur 100 au maximum serait conçu pour accueillir du photovoltaïque.

Le développement du photovoltaïque au sol ne doit pas engendrer de concurrence dans l’usage des sols. Il ne doit pas entraîner de perte de terres agricoles et ne doit donner lieu à aucune destruction de forêt.

L’impératif de préservation de la biodiversité et des continuités écologiques doit conduire à limiter l’implantation de parcs au sol aux espaces déjà artificialisés ou à faible valeur écologique : terrains pollués, friches industrielles, abords d’infrastructures de transport, délaissés routiers et autoroutiers, anciennes carrières, anciens terrains militaires, anciennes décharges comme à Sevignacq dans les Pyrénées-Atlantiques [2]. Les mesures nécessaires pour prévenir et réduire les impacts sur l’environnement doivent être mises en œuvre (réalisation de passages et corridors, plantation de haies végétales...).

La réversibilité des installations doit être recherchée et la multifonctionnalité favorisée afin de limiter l’artificialisation additionnelle due aux parcs. La production photovoltaïque peut en effet être combinée avec de nombreuses autres activités : dépollution des sols, pâturage, apiculture, viticulture, maraîchage, etc.

Enfin, le parc photovoltaïque doit s’inscrire dans une politique de territoire. Le développement d’énergies renouvelables doit être mené en lien étroit avec une politique locale volontariste de réduction des consommations (sobriété et efficacité). Les projets doivent être cohérents avec le contexte et les besoins énergétiques du territoire de la collectivité dans lequel ils s’inscrivent. Ils doivent relever d’une concertation et d’une élaboration participative impliquant tous les acteurs du territoire (élus, agriculteurs, associations de protection de l’environnement, entreprises, habitants, …) et devraient idéalement reposer sur des investissements locaux ou citoyens.

Seul le respect de ces bonnes pratiques permettra l’acceptabilité sociale des parcs au sol et le développement en France d’une filière photovoltaïque compétitive, filière aujourd’hui très fragilisée par une politique gouvernementale erratique. L’entreprise Photowatt, leader français du secteur est en situation de dépôt de bilan. Et l’implantation d’une usine de production de panneaux photovoltaïques à Blanquefort (33) qui devait employer 450 personnes semble menacée.

B.T.